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Interview avec Vincent Redrado, Fondateur et Président du Digital Native Group
Propos recueillis par Sophie Douez, Journaliste chez Kolsquare.
Vincent Redrado-DNG
Vincent Redrado, CEO & Fondateur du Digital Native Group
Alors que les grandes marques établies continuent de privilégier la vente directe (D2C) et de la combiner avec la vente retail, les DNVB sont confrontées à un environnement opérationnel de plus en plus compétitif. Vincent Redrado, fondateur et directeur général du cabinet de conseil D2C français Digital Native Group, présente les principaux défis que devront relever les DNVB en 2022.
Comment appréhendez-vous l’évolution du paysage concurrentiel en 2022 et quels seront les principaux défis à relever par les DNVB ?
Nous constatons depuis le début de l’année 2022 un revirement de situation pour les DNVB, du fait de l’augmentation rapide du coût d’acquisition. Le principal défi pour les marques qui veulent se développer est de devenir omnicanales. Elles doivent se lancer dans le commerce de détail et ne pas se contenter de [s’appuyer sur] l’activité numérique. C’est un véritable changement d’état d’esprit et de compétences qu’elles doivent adopter.
Dans quelle mesure sera-t-il difficile pour ces Digital Natives Brands de se lancer dans la vente retail, surtout si elles ne disposent que de ressources limitées ?
C’est un défi et elles doivent le relever. Elles ont appris à régner en maître sur Instagram et plus globalement sur les médias numériques. Elles doivent maintenant maîtriser les codes du retail, car si elles ne le font pas, elles échoueront. Le paysage concurrentiel est vraiment difficile. Les grandes marques investissent massivement dans la distribution omnicanale et, pour elles, le retour sur investissement attendu est meilleur que celui du e-commerce. Elles vont connaître une très forte croissance cette année. Les DNVB doivent donc transférer leurs excellentes compétences digitales vers le commerce de détail.
Pensez-vous qu’elles y sont préparées étant donné la croissance exponentielle du e-commerce ces dernières années et le succès du modèle D2C jusqu’à présent ?
Honnêtement, je pense que si leur fondateur n’y croit pas, et qu’il ne relève pas le défi, alors beaucoup d’entre elles échoueront. Il n’est pas une question de «Est-ce que je le veux ? » ou «Est-ce que je crois que je peux le faire ?». Il s’agit plutôt de se dire : «Je dois le faire». À un moment donné, il faut arrêter d’y penser, il faut simplement prendre des risques et se lancer.
Quel a été l’impact de la pandémie sur les DNVB ?
La pandémie a été une énorme opportunité pour ces DNVB, car elle a entraîné une accélération considérable de la consommation en ligne. La prise de conscience de la nécessité d’acheter localement, d’acheter davantage avec un état d’esprit plus écologique, s’est également fortement développée durant cette période. C’est donc une grande opportunité pour elles, mais là encore, c’est de plus en plus difficile. Au bout du compte, faire 2, 3 ou 5 millions d’euros de ventes en ligne n’est pas suffisant, c’était le cas avant mais ça ne l’est plus, et trouver d’énormes levées de fonds n’est pas non plus aussi facile qu’avant. Il faut donc être rentable et le moyen le plus simple d’y parvenir est évidemment d’avoir une excellente marge, d’avoir d’excellentes opérations de commerce en ligne, mais aussi d’excellentes opérations de vente retail.
Plusieurs DNVB - notamment dans les secteurs de la beauté et de la mode - ont fait l’objet d’acquisitions très médiatisées récemment ; l’acquisition est-elle une condition préalable à l’expansion internationale ?
Les seules DNVB que j’ai vues se développer à l’international sont celles qui ont utilisé les canaux de vente en gros. Je n’ai jamais vu de DNVB française ou européenne se développer à l’étranger en ouvrant simplement un compte Facebook dans un autre pays. Cela ne fonctionne pas de cette façon, sauf si vous avez des millions à dépenser et à perdre. Mais si vous regardez des exemples comme les DNVB françaises Easy Peasy [chaussures et accessoires pour bébés] et Cabaïa [vêtements], par exemple, elles ont pu se développer à l’international grâce aux canaux de vente en gros, et aujourd’hui, environ 50 à 70 % de leur chiffre d’affaires est réalisé à l’étranger.
À la lumière de l’évolution de l’environnement concurrentiel, pensez-vous que le modèle DNVB pur est durable ?
Cela dépend du type d’entreprise que vous voulez être. Nous sommes en contact avec plus de 400 entreprises par l’intermédiaire du Digital Native Group, et certaines d’entre elles souhaitent simplement rester petites, avec deux ou trois employés et un chiffre d’affaires de 2 ou 3 millions d’euros, et elles en sont très heureuses. Si c’est votre ambition et votre façon de travailler, ce n’est pas un problème du tout. Mais si vous voulez dépasser les 10 millions d’euros et atteindre 50 ou 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, vous devez évidemment prendre des risques. Et pour ce faire, vous devez vous lancer dans la vente au détail. Vous devez utiliser différents canaux d’acquisition.
Comment les DNVB doivent-elles interagir avec les influenceurs ? Y a-t-il des risques ?
Le levier des influenceurs est un canal d’acquisition comme un autre. Vous devez les utiliser d’une manière qui convient à votre entreprise. Ce n’est pas un risque, c’est une opportunité de faire les choses différemment, de bâtir une notoriété de marque mais aussi une stratégie d’acquisition, ce qui est génial. Ce qui est intéressant dans le recours aux influenceurs, c’est qu’ils créent pour vous un nouveau contenu que vous pouvez utiliser sur vos propres comptes. Ce n’est donc absolument pas un risque, mais comme pour tout le reste, cela devient plus cher, les marques doivent donc s’adapter. Il existe de nombreuses façons de faire du marketing d’influence et les DNVB doivent tester, apprendre et trouver leur propre façon de faire.
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