Publié le
18/3/2025

De la tendance à la tactique : Tiphaine Neveu redéfinit l’influence comme un pilier central du marketing

Nous le savons tous : le marketing d'influence est passé d’une tactique marginale à un pilier stratégique du mix marketing. Pourtant, pour de nombreuses marques, intégrer et internaliser l’influence au sein des médias, du branding, du CRM et du produit reste un défi audacieux et incertain. Dans cette interview, l'experte en influence et consultante indépendante Tiphaine Neveu souligne l'importance d'internaliser l'expertise en influence, de trouver un équilibre avec le soutien des agences et d'exploiter des KPIs mesurables pour assurer un succès durable. Ses analyses mettent en lumière comment les marques peuvent créer des connexions authentiques et exploiter toute la puissance de l’influence - des réseaux sociaux aux relations publiques en passant par les partenariats - afin d’inscrire chaque action marketing dans une stratégie cohérente et centrée sur l’humain.

Comment voyez-vous l’évolution de l’influence au sein du mix marketing ?

Il y a cinq ou six ans, tenter d’intégrer le marketing d’influence au niveau d’un poste de "Head of" était une démarche audacieuse et visionnaire. L’objectif était de positionner l’influence au même niveau que d’autres piliers marketing clés comme le branding, les médias, le CRM et le produit. L’influence n’était plus un simple « bonus » ou un levier secondaire relégué au second plan, mais un élément bénéficiant du même poids, du même budget et des mêmes ressources que les autres leviers majeurs.

Un autre point marquant est que l’influence englobe aujourd’hui un large éventail de leviers : les influenceurs, les réseaux sociaux, les relations publiques, les partenariats et les relations presse. Cet écosystème s’est considérablement développé. Par le passé, nous ne disposions pas de KPIs pour mesurer ces éléments ; aujourd’hui, nous en avons.

L’évolution a consisté à reconnaître que tous les composants de cet écosystème ne nécessitent pas forcément des KPIs stricts—comme les RP, qui sont en quelque sorte la version offline de l’influence digitale. Nous avons réussi à évangéliser, démystifier et légitimer l’influence en tant que discipline marketing à part entière. Cela soulève également une question plus large : les marques doivent-elles s’appuyer sur des agences ou internaliser ces efforts ?

Comment trouver le bon équilibre ? Les agences apportent de la valeur, mais quel est l’avantage d’internaliser ?

Cela dépend beaucoup du marché, mais je trouve que la dépendance aux agences est très française. Il existe une perception selon laquelle les marques manquent d’expertise et que seules les agences disposent des spécialistes nécessaires.

Mais ce n’est pas vrai. L’expertise peut exister en interne, surtout à un niveau plus approfondi. Les experts du produit et de la marque sont déjà dans l’entreprise. Pourtant, lorsqu’il s’agit d’aspects plus pointus comme les relations publiques, les relations presse et la stratégie d’influence, les marques se sentent souvent dépassées et externalisent rapidement. Comme si elles considéraient que leur seule vraie force résidait dans le produit et le branding.

Or, aujourd’hui, l’influence, les médias et les RP sont des piliers tout aussi stratégiques. Il est essentiel de reconstruire une expertise interne, car s’appuyer uniquement sur des agences n’est pas une solution viable à long terme.

Les marques doivent reprendre la main sur leur expertise et considérer les agences comme des amplificateurs ou des ressources externes, et non comme l’unique source de savoir-faire. Il est parfaitement sain d’internaliser en premier lieu, de bâtir des bases solides, puis d’évoluer avec une agence si nécessaire. Pour moi, une marque doit être capable de "cultiver son propre jardin" avant de chercher à l’industrialiser.

D’après mon expérience, avant de confier des budgets à l’externe, j’ai toujours préféré tester en interne, en m’appuyant sur notre connaissance du produit, notre culture et notre vision. L’influence, c’est une question de relations humaines. Il faut expérimenter, voir ce qui fonctionne et affiner son approche. Une fois cette expérience acquise, nous pouvions engager une agence en sachant exactement ce que nous attendions et quels contrats signer.

L’expertise doit revenir en interne. Les agences doivent jouer un rôle de conseil ou d’amplification, mais le cœur du savoir-faire appartient à la marque.

C’est une erreur de confier l’“influence” à une agence sans avoir une personne compétente en interne pour piloter la stratégie. Sans cette expertise interne, on court à l’échec.

Cela soulève des questions organisationnelles. Si l’influence est traitée à égalité avec les autres piliers, faut-il rechercher des profils hybrides ou construire des stratégies hybrides ? Comment définir les budgets et les rôles ?

Il faut réfléchir à l’écosystème de ces nouveaux rôles. Influence, RP, relations presse et réseaux sociaux fonctionnent avec les mêmes codes : tout repose sur l’humain, le désir et la recommandation. C’est fondamentalement le même métier, décliné différemment selon les générations et les plateformes.

Ces rôles ne nécessitent pas forcément des profils distincts ; quelqu’un travaillant en branding, par exemple, peut évoluer vers l’influence s’il possède les bonnes compétences relationnelles. L’influence et les RP requièrent une intelligence émotionnelle et situationnelle, car tout est centré sur les relations humaines. Que l’on gère une communauté en ligne ou que l’on travaille dans les RP traditionnelles, il faut comprendre les gens et savoir interagir avec eux.

Qu’en est-il de la comparaison des KPIs ? Est-il possible de comparer l’influence aux autres leviers ?

Absolument. Si l’influence est considérée comme un levier marketing à part entière, elle doit être mesurée avec des KPIs communs. Quand j’ai commencé, nous avons mis en place des liens de tracking, plaçant l’influence en concurrence directe avec les médias et le CRM. J’ai pu démontrer que l’influence était jusqu’à quatre fois plus rentable que les médias dans certains cas.

Pourquoi ? Parce que l’influence touche des audiences très qualifiées et ciblées, grâce à la recommandation humaine et au storytelling. Les taux de conversion sont plus élevés que pour les bannières médias. Si je devais les classer, je mettrais l’influence en premier, le CRM en second (car il reste personnalisé) et les bannières médias en dernier (car impersonnelles).

La comparaison des KPIs m’a permis de récupérer du budget média. En prouvant que l’influence était plus rentable, j’ai pu obtenir des budgets résiduels en fin d’année, car ils savaient que je saurais les optimiser.

Pour les campagnes de notoriété, c’est plus complexe. La comparaison se fait en fonction de la portée et de l’engagement de l’audience. Les médias offrent une audience plus large, mais l’influence garantit pertinence et impact au sein de groupes ciblés. Dans ces cas, médias et influence peuvent se compléter pour atteindre l’objectif global.

Comment les marques moins expérimentées ou plus traditionnelles devraient-elles aborder l’allocation budgétaire pour l’influence ?

Lorsque l’on débute, il faut miser sur la flexibilité. Au lieu de fixer des budgets rigides par canal, il est préférable d’attribuer une enveloppe globale et d’expérimenter. Pendant les six premiers mois, testez différentes approches et ajustez en fonction des opportunités. Une fois que vous avez identifié ce qui fonctionne, vous pouvez allouer des budgets dédiés par levier.

Par exemple, une marque de joaillerie de luxe avec laquelle je travaille a testé plusieurs approches : publicités payantes, agences et influence. Sur deux ans, nous avons constaté que l’influence offrait le meilleur ROI. Aujourd’hui, elle maintient un budget fixe pour le paid, mais consacre une grande partie de son enveloppe à l’influence et aux partenariats, qu’elle répartit de manière flexible en fonction des performances.

En regardant vers l’avenir, êtes-vous confiante quant à l’influence marketing face à la saturation du marché et à la sélectivité croissante ?

Je suis confiante parce que je n’ai pas une définition figée de l’influence. L’influence repose sur le pouvoir de la recommandation, qu’elle soit en ligne ou hors ligne. Si on réduit l’influence aux créateurs de contenu plaçant des liens trackés, alors oui, on risque d’atteindre une limite. Mais l’influence est un écosystème.

Lorsqu’un canal s’essouffle, d’autres émergent. Mon inquiétude porte davantage sur la saturation du marché et la surutilisation de certains formats. Les marques doivent être plus stratégiques dans l’adaptation de leurs approches à leurs produits et audiences, plutôt que de suivre aveuglément les tendances.

Un autre problème est le manque de réflexion stratégique de la part des agences. Trop souvent, les marques demandent des campagnes, et les agences se contentent de fournir une liste d’influenceurs et des mécaniques sans intégrer une vision globale. L’influence marketing doit être stratégique : quelle histoire raconte-t-on ? Quelle est l’audience cible ? L’influence est-elle réellement le bon levier ou d’autres canaux comme le média ou le SEO seraient-ils plus pertinents ?

Les marques doivent se former pour être en mesure de challenger les agences et prendre des décisions éclairées. L’influence repose sur la flexibilité et une réinvention constante. Tant que les marques la considèrent comme un élément d’un écosystème plus large, elle restera un outil puissant.

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